La qualité du café et du cacao pâtit de la libéralisation des filières

LA QUALITÉ DU CAFÉ ET DU CACAO PÂTIT DE LA LIBÉRALISATION DES FILIÈRES CHAPEAU Le Cameroun et la Cote d’Ivoire sont parmi les plus gros producteurs de café et de cacao d’Afrique, la Cote d’Ivoire étant même le premier producteur mondial de cacao avec 1 million 200 000 tonnes par an. Mais avec le désengagement de l’état et l’arrivée massive des privés dans les deux filières, la qualité des produits s’en ressent vivement. Une enquête de Joseph Taye en Cote d’Ivoire et de Etienne Tassé au Cameroun. DURÉE DE LA BANDE : 8’26 Kandia La libéralisation a posé des effets sur le café cacao parce que nous constatons que la qualité n’est pas faite sur le terrain. Studio Kandia Alphonse est producteur de cacao dans un village de la région de San Pedro en Côte d’Ivoire. En tant que secrétaire de sa coopérative, il regrette la situation créée par la libéralisation de la filière : Kandia Il a trop d’acheteurs aujourd’hui, trop de pisteurs, ce qui fait que les producteurs même, s’ils peuvent, ils vont cueillir aujourd’hui et puis vendre le cacao sur place parce que je constate que cette année même, le cacao qui est vendu au champ, tout est humide, en pâte et le cacao n’est plus fermenté. En trois jours, deux jours, les gens mettent leur cacao au soleil et là c’est pas la qualité que nous souhaitons. Taye Et si on vous demandait aujourd’hui comment avoir des fèves de qualité, qu’est ce qu’il faut faire pour avoir des bonnes fèves de qualité? Kandia Il faut enlever les fèves plates et puis bien sécher mais avant d’arriver au séchoir, il faut fermenter le cacao 6 a 7 jours et c’est pas ce qui est fait aujourd’hui. Donc pour qu’on ait une bonne qualité, il faut qu’on revienne à la raison, vraiment fermenter le cacao durant les jours demandés et sécher massivement afin que le cacao soit sec mais aujourd’hui nous constatons que le cacao n’est jamais sec …je suis planteur mais il faut le dire : peu de planteurs qui sont dans les coopératives arrivent à sécher bien pour bénéficier du prix de qualité et la plupart des producteurs ne font pas la qualité. Taye Alors comment maintenir le cap de cette bonne qualité? Kandia Pour maintenir le cap de cette bonne qualité, c’est sur que il faut que tout le monde arrive à passer par les coopératives parce que les coopératives ont un suivi et ces suivis font que tout le monde regarde dans le même sens. Donc j’invite tous les producteurs à rentrer dans les coopératives pour qu’il y ait un suivi pour qu’enfin ils arrivent à faire la qualité. Studio Mais beaucoup de producteurs justement ne veulent plus faire partie des coopératives car les acheteurs privés intervenant sur le marché payent tout de suite tandis que la coopérative tarde à payer. C’est en tous cas ce que pense Dolla Makué François, un producteur de café de la région de Bamboutos a l’Ouest du Cameroun, qui a quitté la CAPLABAM, la coopérative dont il faisait partie Dolla Makué:. Je vends mon café seulement au marché soit à Mbouda, soit au François marché de Mbouda, soit au marché de Batcham . Tassé Qu’est ce qui vous a amené à quitter la coopérative ? Dolla Makué: Parce que la coopérative, il y avait beaucoup de complications : François des fois on pèse le café, on enlève certains poids. Des fois, on dit que le café n’est pas bien sec, des fois on dit que le café n’est pas trié, des fois on dit que le café est descendu. Alors nous les planteurs on se débrouillait ailleurs. Tassé Aujourd’hui, est ce que vous êtes satisfaits de vendre votre café au marché ou bien vous regrettez d’avoir quitté la coopérative? Dolla Makué: Je suis content de répondre. Maintenant je suis très content de François vendre mon café partout où je m’en vais parce que quand je vendais le café à la coopérative, on gardait mon argent, on ne me payait pas, des fois un an, deux ans, fins des fins même on avait même bouffé certains crédits. Donc je suis très content de vendre mon café partout. plus que de vendre à la CAPLABAM. Studio Mais pour Louis Tiolla, le directeur de cette coopérative camerounaise, la CAPLABAM, ce qui se passe est grave car les producteurs sont attirés par un gain immédiat et facile, mais ces calculs à très court terme ne peuvent que leur nuire à la fin du compte. Louis Tiolla au micro de Etienne Tassé : Tiola Au niveau des sociétés coopératives, notre côte était bien, très bien au niveau de la qualité du café mais vous savez que quand on libère là il y a beaucoup d’aventuriers qui interviennent sur le marché du café, il y’a beaucoup des usiniers, ceux qui ne maîtrisent pas les processus de transformation du café et alors ils font ce qu’ils veulent, ils achètent le café humide, ils achètent le café mal traité au niveau du paysan et le paysan assoiffé de sous, les apporte le produit qui n’est pas bien fermenté, qui n’est pas bien sec, en sachant qu’au marché on va toujours acheter. Et c’est ça qui a fait que notre label ne soit pas bon sur le marché international.. Tassé : Est-ce qu’au niveau du tonnage vous avez maintenu le même tonnage ou bien il y a eu baisse ? Tiola : C’est sûr qu’il y a baisse, ce n’est même pas à demander vous savez que quand il y a déjà beaucoup d’intervenants sur le marché par rapport aux années avant la libéralisation s’il n’y avait que les coopératives, les sociétés coopératives qui achetaient le café et je crois que les planteurs avaient l’esprit coopératif c’est à dire ils venaient déposer leurs produits sans même demander un cent, on traitait le café et l’on partait vendre et on leur reversait l’argent et quand l’État ne subventionne plus les engrais, vous savez les conséquences sur, au niveau des plantations de café, les planteurs, beaucoup de planteurs ont abandonné la caféiculture, beaucoup de planteurs ne fertilisent plus…en conséquence, il y a baisse de production, déjà au niveau des sociétés coopératives avec la libéralisation, les planteurs, nos planteurs adhérents, n’apportent, eux tous ne viennent plus à la coopérative, ils préfèrent aller vendre au marché comme je disais tout à l’heure, vendre et prendre l’argent tout de suite. Tassé L’une des raisons que j’ai entendue avancer c’est que vous étiez rigoureux au niveau du contrôle qualité alors qu’au niveau du privé ce n’était pas tellement ça. Ça se confirme ou pas ? Tiola : Mais c’est tout à fait normal, quand tu veux bien vendre son produit, il faut être rigoureux sur la qualité du produit bon quand ils ne sont pas rigoureux sur la qualité du produit très souvent ça provient du fait qu’ils payent d’abord très moins chers au niveau du planteur c’est à dire que le planteur, ils font semblant d’avoir, de bien payer, vendre leur produit alors qu’on est entrain de les tromper avec de fausses balances, là, l’acheteur privé qui est sur le marché, il trouve toujours son compte, alors qu’ici au niveau des coopératives nous sommes très rigoureux sur la qualité du produit. Studio Mais tout n’est pas perdu pour tout le monde et l’une des sociétés privées qui profite le plus de la libéralisation est Olam Cam, une succursale de Olam International basée a Singapour. Installée au Cameroun en 1995, un an après la libéralisation de la filière café cacao, elle exporte partout dans le monde et les devises qui proviennent de ces exportations ne sont pas rapatriées au Cameroun mais servent a importer du riz chinois et thaïlandais vendu sur la marché local. Pour Mbe Nguette Hippolyte, l’un des responsables de cette société, Olam Cam ne fait qu’obéir aux lois du marché: Mbe Nguette Nous avons notre système d’achat qui consiste à suivre les cours du jour et le planteur préfère travailler directement avec un exportateur que de travailler avec une coopérative qui conserve des prix pour toute une année. Tassé Les coopératives estiment également que vous ne veillez pas à la qualité, est ce que vraiment vous veillez à la qualité ? Mbe Nguette Disons que lorsque nous sommes sur le terrain, nous voulons d’abord faire du stock, nous voulons faire la quantité et par rapport à nos principaux acheteurs en Europe, il y a une certaine norme qui est tolérable par nos clients ; c’est pour ça que nous nous hasardons à prendre certaines qualités refusées par les coopératives. Tassé Est -ce que cela veut dire que vous êtes moins exigeants au niveau de la qualité? Mbe Nguette Non, mais là c’est trop dire, puisque, avant que tout produit sorte du pays, il faudra n’est ce pas l’accord du gouvernement, l’accord du MINAGRI. Nous obtenons des bulletins de vérification pour chaque lot que nous exportons et qui sont déclarés conformer à l’embarquement. Tassé Et comment vous jugez alors la libéralisation de la filière café-cacao? Mbe Nguette Disons que la libéralisation de la filière café-cacao, ça profite à l’exportateur, c’est le planteur qui peut en souffrir à un certain moment. Fin de la bande.

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Bibliographic Details
Main Author: Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation
Format: Audio biblioteca
Language:French
Published: Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation 2002
Online Access:https://hdl.handle.net/10568/59513
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